International Space Orchestra

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L’opera Spatial qui reunit  Damon Albarn, Bobby Womack et la NASA

Article By Carole Boinet for Les Inrockupibles

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La “designer d’expériences” Nelly Ben-Hayoun a créé un opéra avec des astronautes, des scientifiques de la NASA et des musiciens prestigieux, dont Damon Albarn et Bobby Womack. Un étrange projet intitulé “International Space Orchestra” qui s’inscrit dans un travail artistique plus global sur la science et l’espace.

Imaginez Damon Albarn, Bobby Womack, le compositeur Arthur Jeffes, le musicien japonais Maywa Denki, le violoniste Evan Price, l’écrivain Bruce Sterling, des astronautes, des scientifiques, chacun un instrument dans les mains, et la Nasa en toile de fond. C’est l’idée un poil saugrenue qui a germé dans l’esprit de l’artiste Nelly Ben-Hayoun, après un voyage à Tchernobyl : “ce drame s’est produit parce que quelqu’un a pressé le mauvais bouton. Soudain, quelque chose se passe mal et on s’éloigne de la procédure de départ”.

C’est en réfléchissant à l’humain derrière les machines que celle qui se présente comme “une designeuse d’expériences” s’intéresse aux tours de contrôle de la Nasa et, surtout, à ceux qui les pilotent. Elle décide alors de monter un opéra autour de la fameuse mission lunaire Apollo 11 et de ses ratés. Et, quoi de mieux que d’écrire et de faire jouer cet opéra par des professionnels de la Nasa, épaulés par des musiciens de génie ?

Deux ans pour convaincre la Nasa

Il lui faudra deux ans avant que son projet ne soit validé par la Nasa. “Il a fallu beaucoup de persévérance, mais ils ont compris que c’était intéressant pour gagner le public, qui ne suit plus la Nasa. Son taux de popularité est très bas” explique-t-elle, “c’est un projet qui vise à reconnecter le public à la Nasa. Aujourd’hui, on ne connaît même plus le nom des astronautes”.

En parallèle, elle contacte plusieurs artistes, dont Damon Albarn et Bobby Womack, qui viennent de travailler sur l’album de ce dernier, The Bravest Man of the Universe. A l’été 2012, après neuf répétitions, tout ce beau monde réuni sous la bannière “International space orchestra” joue le fameux opéra. Un live immortalisé dans un documentaire réalisé par Ben-Hayoun.

“Ce qui est intéressant c’est de voir à quel point les scientifiques ont pris ce projet comme une mission. Pendant les répétitions, ils ne jouaient pas parfaitement de leurs instruments. Mais, à la fin, quand on les entend dans le film, ils sonnent presque de manière parfaite.”

Ce n’est pas le premier projet scientifico-artistique que Ben-Hayoun mène à bien. Diplômée du prestigieux Royal College of Art de Londres, la Française, originaire de Valence dans la Drôme, est, notamment, l’auteure de la Soyuz Chair, un projet visant à faire revivre au public l’expérience du décollage de la fusée Soyouz, et de The Other Volcano, qui reproduit une éruption de volcan dans votre salon. Pourquoi cette passion pour la science ?

“Ce qui m’intéresse c’est de permettre au public d’accéder à la partie purement physique, humaine de certains projets. Par exemple : faire l’expérience d’un décollage de fusée ou démarrer un accélérateur de particules. Il y a quelque chose de fantastique dans le fait d’appuyer sur un bouton et d’allumer une machine qui va bombarder des protons à la vitesse de la lumière. C’est quelque chose qui relève de l’extrême. Ce n’est pas juste que le public n’ait pas accès à ce frisson”.

“C’est une interprétation fantasmée et assez poétique de la réalité”

C’est dans cette même optique de faire revivre au public des expériences scientifiques que Ben-Hayoun a cherché à reproduire le son produit par le premier pas sur la Lune. Pour ce faire, l’artiste a demandé à plusieurs scientifiques d’imaginer le son de ce pas et, plus généralement, les bruits que l’on pourrait entendre sur la lune, qui, pourtant, ne propage pas le son. “Certains ont commencé à spéculer et à faire des bruits de bouche incroyables“. Elle les a enregistrés sous le nom “Moon Chorus”.”C’est une interprétation fantasmée et assez poétique de la réalité“.

Désormais, Ben-Hayoun rêve de visiter l’espace pour de bon. Elle travaille donc sur une thèse en géographie et physique et s’entraîne à devenir astronaute avec ses nouveaux amis de la Nasa. Objectif : passer le test pour faire partie d’une mission consistant à envoyer deux personnes dans l’espace pendant 510 jours, en 2014. “La Nasa a aussi besoin de gens créatifs, avance-t-elle, car pour passer 510 jours dans l’espace sans même atterrir, il faut savoir s’occuper. L’ennui peut rendre fou.”

L’opéra diffusé dans l’espace

D’ici là, Ben-Hayoun a d’autres projets, dont “Disaster Playground” qui sera présenté en septembre au Victoria&Albert Museum de Londres. On y verra Nelly Ben-Hayoun demander à un groupe de scientifiques de trouver des plans d’urgence si une météorite ou autre venaient à menacer la terre.”Je m’interroge sur les procédures d’urgence que l’on met en place pour parer ce qui peut nous arriver de l’espace.”

Quant à l’International Space Orchestra, il n’a pas dit son dernier mot : après avoir travaillé sur le Song Reader de Beck (son dernier album sous forme de partition), il accueillera de nouveaux collaborateurs  – dont Ben-Hayoun garde l’identité encore secrète – sur le projet. L’opéra, lui, sera diffusé, le 5 août prochain, dans l’espace, via deux satellites envoyés tout là-haut, dans une fusée.